Matter parle de la façon dont nos corps portent notre identité, notre patrie, notre famille, nos ancêtres, nos fantasmes.
De 2006 à 2008, Julie Nioche s'est déplacée à la rencontre de quatre femmes, danseuses, chorégraphes, de son âge, qui, un jour, l'ont touchée. Mia Habib, Rani Nair, Filiz Sizanli, Bouchra Ouizguen. Partie dans leur pays (Norvège, Suède, Turquie, Maroc), la chorégraphe a cherché à comprendre comment se sont construits les imaginaires, les individualités de chacune, pour ensuite bâtir Matter.
Matter est devenu le lieu où s'imbriquent les histoires individuelles de ces femmes à leur tradition et à leur environnement.
Le processus de travail fut en apparence simple : construire un solo pour chacune où une robe en papier serait détruite au contact de l'eau.
La robe comme la peau, en train de se défaire.
La robe au contact d'un liquide hautement symbolique, qui se dégrade progressivement.
La robe qui, dessous, dévoile une personne.
Matter fut une pièce créée entre 2006 et 2008.
Matter est recréée en 2014.
Quelques mots de Julie Nioche à propos de Matter
Je mets régulièrement en place des dispositifs qui révèlent quelque chose de l'individu et de sa fragilité. Pour Matter, j'ai proposé aux danseuses de porter une robe de papier vouée à disparaître au contact de l'eau. Chacune des robes porte des références sociales, symboliques et intimes, qui viennent de nos histoires respectives et c'est en fonction de notre relation avec l'eau que la robe se dilue, se déchire ou tombe.
Le déroulement de ces événements est différent à chaque représentation : la danseuse, contrainte par sa robe, ne maîtrise ni l'arrivée de l'eau, ni la façon dont la robe va se désagréger.
Notre réaction dans une telle situation est donc plutôt de l'ordre de l'instinct que du savoir-faire de danseuse, même si ce savoir-faire conditionne notre attitude.
En outre, un corps couvert d'eau est vulnérable ; il révèle des strates qui souvent restent cachées.
C'est une façon de parler des référents qui, tout au long de la vie, nous construisent et nous enferment à la fois, de ces couches qui disparaissent et que d'autres remplacent, sans interruption.
Pour Matter, construit une première fois de 2006 à 2008, le processus fut long et s'est déroulé dans des lieux différents...
Pour la reprise, cette année, j'apporte cette même attention au processus et j'essaie que la création ne se situe pas uniquement dans la réalisation d'un spectacle. Même si c'est peu visible pour le spectateur, j'aime que le processus de création soit porteur de sens en lui-même. L'infiltration de la danse dans l'espace civique est une question qui sous-tend l'ensemble de mes projets.